2 HA-LAPID ============================================= peut-être à juste titre, comme le dernier des grands Juifs du Moyen Age. Homme d'Etat, financier, écrivain, philosophe, fidêle à sa foi et dévoué à son peuple, Don Isaac occupe dans l'histoire juíve une place in- comparable. Il représente le judaisme es- pagnol sous son plus bel aspect et en lui se trouvent réunís "la torah et la gloire sé- culaireu", selon la célebre expression hébrai- que qu'on a coutume d'appliquer aux plus grands et plus méritants du peuple juii. Don Isaac tire son origine de la Maison royale de David. Selon une tradition fami- liale, ses ancêtres, aprés la destruction du premier Temple, se seraient établis à Sévil- le. Il a existé, d'autre part, un Abravanel dans cette ville en l'an 1310. Celuí-ci, nom- mé Don Ihuda Abravaniel, fut un termier royal et un éminent financier. L'orgueil qu'il éprouvait d'avoir de tels ancêtres, Don Isaac l'exprimait en citant ce verset de la Genese: Ne disparaítra jamais le Sceptre de juda, ni le báton royal de ses descen- dents. Il était convaincu de ses origines céle- bres, car, il écrit dans ses commentaires des Ecritures Saintes: "Je suis le fils de Juda- fils de Samuel, fils de Juda, de la famille Abravanel, tous grands em Israel et descene dant de la dynastie royale de David". Quoi qu'il en soit, Don Isaac apparte- nait à une famille ayant rendu des services signalés à l'Etat et au judaisme. Son grand- -pere, Don Samuel, fut un financier de grande envergure qui vécut sous le régne de Henri II de Trastamara (1369-1379). A la mort de ce dernier, et à la suite des per- sécutions de 1391, il dut se convertir au christianísme et prendre le nom de Juan Sanches de Séville. Pour revenir à la religion de ses ance- tres, Don Samuel dut se réiugier à Lisbon- ne. Son fils Juda, le propre pêre de Don Isaac Abravanel, joua un rôle important à la Cour du Portugal, ou il fut le trésorier de l'infant Dom Fernando, frêre du roi Duarte de Portugal. Don Isaac avait une culture soignée qui ne se bornait pas à la littérature hébraíque traditionnelle, mais s'étendait aussi à tous les elements culturels de son temps, y com- pris l'étude de l'antíquité, Il avait admi- rablemente approfondi la Bible, le Talmud, les ouvrages exégétiques chrétiens et hé- braiques, ainsi que les écrits des poetes et philosophes du Moyen Age. Il connaíssait l'arabe et probablemente aussi le grec. Sa langue maternelle était le portugais, à la. quelle le liaient l'habitude et le sentiment, ce qui fut d'ailleurs le cas de bon nombre de Sépharadim durant de longs siecles. Lors de ses séjours successiis en Espagne et en Italie, Don Isaac acquit regalement une con- naissance littéraire de l'espagnol et de l'ita- lien. Don Isaac fut appelé à rendre des ser- vices signalés à sa patrie. Le nom d'Abra- vanel le predestinaít à jouer ce rôle impor- tant. Durant des générations, les Abrava- nel avaient entrentenu des relations étroites avec la Cour et la noblesse et s'étaient vu contier la gestion de leurs finances. A la cour d'Alphonse V (1438-81), Don Isaac occupa jusqua'a la mort du souverain une place de premier rang en qualité de con- seiller financier. Une étroit amitíé le liait à la Maison de Bragance, issue de Jean I, grand-pere d'Alphonse V. Le duc de Bra- grance, Fernando, un des plus riches et plus puissants nobles du royaume, lui était par- ticulierement dévoué. Don Isaac reçut d'Alphonse V le droit de paraitre à la Cour, en même temps qu'une propriété de cam- pagne à Queluz. il fut, en outre, libéré de l'obligation de porter le signe de reconnais- sance des Juiís. Alphonse V entretenait des rapports d'amitié avec 1a Signoria de Florence et la Maison de Médicís. Grâce à son souverain, Don Isaac réussit à nouer des relations uti- les avec les Etats italiens. On peut expli- quer de cette maniere l'origine de ses rap- ports amicaux et son échange de corres- pondance avec le banquier Jéhiel Vitale de Pise, qui vivait em bonne intelligence avec Laurent le Magniiique. Abravanel était aus- si l'ami du médecim jean Sezira, qui char- gé d'une mission auprés du Pape Sixte IV, reçut des mains de Don Isaac un mémoire conetnant diverses doléances de la commu- nauté israélite. Don Isaac déploya une activité féconde comme dirigeant de la Communauté israé- lite de Lisbonne. Particulierement intéres- sante est la communication d'Abravanel à Véhiel de Pise au subjet du rachat de deux cent cinquante prisonniers Juifs tombés au pouvoir des Portugais lors de la prise de la ville marocaine d'Arzilla (1471). Les efforts courageux qu'il eut à déployer en leur faveur illustrent brillamment la ma- niere dont nos ancêtres accomplissaient la
N.º 082, Kislev 5698 (Nov-Dez 1937)
> P02